En tant qu’artiste interdisciplinaire, j’explore la tension fertile de l’« entre ». Celle-ci se révèle entre les états de corps, entre les traditions, entre les êtres, entre les disciplines artistiques et entre les divers rapports au temps. Je privilégie les co-créations avec des artistes issus de diverses pratiques et chaque projet est l’occasion d’élaborer des référents communs interdisciplinaires autour desquels dialoguer. S’installer dans cet espace « entre » requiert une écoute mutuelle et un abandon à l’instabilité qui permettent de trouver un nouvel équilibre, ensemble.
Mon rapport au mouvement s’est enraciné dans le flamenco, art rigoureusement codifié où la danse et la musique sont intimement liées. Par son jeu constant de montées en tension et de relâchements explosifs, le flamenco attise en moi un état de désir, d’aller-vers; une tension intervallaire qui se renouvelle sans cesse dans un rapport érotique au vivant. Plutôt qu’une dureté qui freine le mouvement, le flamenco m’a appris à percevoir la tension comme une constante adaptation, un mouvement vivant entre contraction et expansion. Mes créations chorégraphiques se développent d’ailleurs dans la tension, bien que parfois inconfortable, entre mon respect envers la tradition flamenca et le désir de créer hors des référents imposés par cette tradition.
Les phénomènes macroscopiques et microscopiques qui influencent inconsciemment nos vies au-delà de nos perceptions quotidiennes et le besoin d’explorer d’autres rapports au temps se révèlent au cœur même des sujets qui m’interpellent. Ainsi le mouvement des marées dans Èbe, le déploiement des bryophytes dans Bruissement de mousses, le temps et la perte inhérents à toute gestation dans Ce qui émerge après (4kg). L’exaltation éprouvée en découvrant la fragilité poignante des choses résonne fortement à l’intérieur de mon processus créatif qui dévoile, souvent malgré moi, une certaine mélancolie.
Sarah Bronsard est une chorégraphe basée à Montréal. Elle trouve son terrain le plus fertile dans la danse flamenco et sur la scène de la danse contemporaine après un parcours artistique multidisciplinaire, incluant musique, verre soufflé, arts numériques et une carrière de peintre. Ses projets - soutenus par le Conseil des Arts du Canada (CAC) et le Conseil des Arts et des Lettres du Québec (CALQ) - ont été présentés au Québec (Tangente, Société des Arts Technologiques), en Europe (France, Pays de Galles, Italie, Pays-Bas) et en Asie (Japon). Son travail a reçu le prix "Meilleure création originale" du Cirque du Soleil (Fringe, 2020), le prix Pierre Lapointe (UQAM, 2016 et 2017) et le prix David-Kilburn (UQAM, 2020). En 2020, elle travaille au TOKAS (Japon), grâce au soutien du CALQ, pour initier Bruissement de mousses, un projet qui s'intéresse à la perception des mousses (bryophytes) dans la spiritualité et l'esthétique japonaise. En 2021, elle fait une tournée au Québec avec la pièce Èbe et la présente en ouverture du Festival International d'Art Vidéo de Casablanca. Elle travaille présentement sur la pièce Dans l'écho des racines, une chorégraphie élaborée à la rencontre du flamenco et de la gigue québécoise, ainsi que Les Rigoles, une co-création avec Alexandra Templier autour du phénomène du rire.